Louis XV

Publié le par jasonlouisxi


LE SECRET DU ROI





Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le Secret du Roi n'est pas une nouvelle énigme de l'Histoire de France.

C'est le nom donné au Service Diplomatique et de Renseignements, parallèle aux services officiels, mis en place par Louis XV.


LE ROI

En dépit de tout ce qui a pu être dit, notamment au 19ème siècle, Louis XV a été un roi travailleur qui s'est occupé sérieusement du gouvernement de la France.

Il voulait fermement la liberté de la Pologne. L'alliance avec l'Autriche (le "renversement des alliances") est son oeuvre.

Il est le premier de nos souverains à avoir son bureau personnel, ses propres archives qu'il tient à jour lui-même. Il a aussi sa bibliothèque privée avec un galerie pour les cartes.

 S'il préside chaque jour un des Conseils institutionnels, il est l'homme du travail solitaire.

De tous nos rois, il est celui qui a le plus écrit, qui a lu et annoté le plus de rapports.



POURQUOI LE "SECRET" ?

Pourquoi cette double diplomatie, l'une dirigée par le roi, par le Conseil et par le Secrétaire d'Etat, l'autre par le roi seul en cachette  du ministre ?

Louis XV a voulu être instruit par plus d'un canal, posséder son propre service de renseignements et surveiller les ministres dont il pouvait craindre la négligence.

Cependant,  cette concurrence ne lui plaisait pas : "Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. La défiance de quelqu'un (le Secrétaire d'Etat) en qui il doit paraître que j'ai de la confiance, ne me convient point".

C'est pourtant en cela que consistera le Secret.

Pourquoi le roi a-t-il admis ce qui lui paraîssait contraire à sa dignité et au bien de l'Etat ? : par la force des choses.
Consolidé ensuite par l'habitude, le Secret est le produit de circonstances difficiles et elles-mêmes pleines de contradictions.

Notre système diplomatique, dirigé contre la Maison d'Autriche, reposait essentiellement sur l'amitié de certains princes allemands et sur les alliances de la Suède, de la Pologne et de la Turquie qui prenaient à revers les autrichiens.
Au 18ème siècle, le système ne tenait plus pour une triple raison.

L'installation à Madrid du petit-fils de Louis XIV, Philippe V, rendait impossible l'encerclement de la France par les Habsbourg.
Une rivalité acharnée mettait aux prises la France et l'Angleterre sur toutes les mers du globe, en Amérique et en Asie.
Enfin, la croissance de la Prusse et de la Russie bouleversait du tout au tout le rapport traditionnel des forces.

Une partie de nos ressources étant employée hors d'Europe, nos vieux alliés n'étaient plus de taille à maintenir l'équilibre et la paix sur le continent.

Nous avions besoin d'alliés plus puissants, plus riches, plus peuplés et plus armés.


LE SECRET

Il a eu commes chefs et ministres non déclarés : le prince de Conti puis le comte de Broglie.

Ils étaient assistés d'un petit nombre de personnes pour la correspondance et le "chiffre".
Au dehors, les ambassadeurs à Varsovie, à Constantinople, à Saint-Pétersbourg et à Stockholm.
Egalement un certain nombres d'agents et de courriers pour les renseignements.
Le financement était assuré par le roi.

Si à certains moments il pouvait prélever dans sa cassette particulière des sommes importantes - 74 000 livres d'un coup en 1757 - il était le plus souvent gêné.
En mai 1764, il envoit à Tercier deux billets de loterie qui ont gagné cinq cents livres, accompagnés de ces mots : "C'est un commencement, je vous en ferai filer d'autres. Extrémités d'argent de temps en temps".

Comme tout service confidentiel, le Secret est exposé à certains accidents : bavardages ou maladresse d'un agent, découverte d'un code par une puissance adverse, arrestation d'un courrier ou soupçons des ministres tenus en dehors de la confidence.
Ajoutons à cela l'impossibilité pour le roi de s'engager ouvertement et de couvrir les "agents brûlés".

Le Secret obtient un grand succès en Suède en épaulant le coup d'Etat de Gustave III  qui sauva le pays de la mainmise de la Russie. Il échoua totalement en Pologne qui était son principal objet.


L'ECHEC

En 1756, Louis XV réussit à unir la Russie et l'Autriche dans la coalition anti-prussienne. Mais pour agir contre Frédéric II, les armées russes devaient pouvoir traverser le territoire polonais. (1)

 

Par sa seule existence, la Pologne était pour ses trois voisins une tentation. Elle était une invite constante à faire leur paix séparée pour s'allier contre elle et la partager. Opération plus facile et plus avantageuse que n'importe quelle autre entreprise politique ou guerrière.

Fallait-il, pour s'attacher définitivement ses nouveaux alliés que la France leur abandonnât l'ancien ? C'eût été imprudent et très peu honorable.

Louis XV a été ainsi amené à pratiquer ostensiblement une politique d'amitié avec la Russie et avec l'Autriche, secrètement une politique visant à sauver la Pologne et, par voie de conséquences, à éloigner les russes des affaires européennes. Tâche presque impossible à laquelle il consacra une bonne partie de son temps et de son imagination pendant plus de vingt-cinq ans.

Mais il n'était pas possible de sauver la Pologne sans le concours des Polonais. Ce concours ne fut jamais ni ferme ni unanime.

La Constitution polonaise organisait l'anarchie : un roi électif  (2) à peu près sans pouvoirs, une Diète que le veto d'un seul de ses membres paralysait totalement.
Ajoutons à cela des factions dressées les unes contre les autres, des rivalités tenaces qui empêchaient l'entente entre les grandes familles et l'habitude funeste des rassemblements armés et des soulèvements.

Cette défection sera la cause de l'échec.


(1)  Le problème se posera exactement de la même manière en 1939. En refusant le passage de leur territoire aux troupes de Staline, les polonais seront directement responsables de la signature du pacte germano-soviétique. (voir mon article "Hitler-Staline").

(2)  Le duc d'Anjou, futur Henri III (voir article "Saint-Barthélémy) a été élu roi de Pologne. Devant l'anarchie qui y régnait, il s'enfuiera secrètement au bout de quelques mois pour prendre la succession de son frère Charles IX.



ANNEXE

Ces mêmes difficultés ont pesé sur la politique française pendant les vingt ans qui séparent les deux guerres mondiales.

Ni la réconciliation avec l'Allemagne, rêvée par Aristide Briand, ni l'alliance avec la Russie, rêvée par Edouard Herriot ne purent aboutir car elles impliquaient toutes deux le sacrifice tacite de la Pologne.

Jacques Bainville (journaliste, historien et académicien) écrit en février 1921 :

"Du moment qu'il existe une Pologne, elle doit être notre alliée. Il le faut, c'est dans l'ordre. Mais il faut savoir que l'alliance polonaise n'est pas nouvelle dans notre Histoire. C'est le type de l'alliance que l'on soutient à bras tendus. C'est ensuite le type de l'alliance qui complique fatalement notre politique extérieure.
Nos diplomates feront bien de relire le "Secret du Roi".




Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
Bonsoir, tu as mis la barre haute ce soir, un long article, mais toujours bien à lire, tu es journaliste, écrivain... poète...c'est bien un peu de culture sur les blogs. çà change du langage moderne codé, je n'arrive pas à suivre les jeunes...Pas grave. La pluie par moment dans les yvelines, un vrai temps d'automne bien triste. Je te souhaite une bonne nuit. Amitiés. René.
Répondre
A
Regardes tu la série documentaire "l'apocalypse" sur la 2 le mardi soir et qu'en penses tu ? Bonne journée amitiés
Répondre
A
Intéressant et clair. Bonne journée à toi. Amicalement
Répondre